Vault of Lights
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fascination(s) — ft. Hannes
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(#) Sam 29 Oct - 22:03
fascination(s)
Les dernières notes wagneriennes résonnent dans le court silence qui précède le tonnerre des applaudissements. Le public se lève, les artistes défilent, les ovations sonnent. L'Odéon est en joie ce soir, Tristan & Isolde est un succès certain, qui n'avait pas été joué depuis bien des années sur Chios. Ici, le mariage est peut-être une institution trop sacrée pour qu'on vienne le remettre en question à l'aide d'obscures histoires de philtres et d'amants séparés... Mais les spectateurs ont mis de côté leurs valeurs et se sont laissés porter une poignée d'heures, comme cela arrive chaque fois que l'Art supplante la Réalité. Les musiciens et les chanteurs sont rappelés plusieurs fois et un épuisement heureux se lit sur leurs visages épanouis. Leurs mains se lèvent vers l'arrière de la salle, pour remercier les techniciens et la régie, puis, vers les coulisses, côté jardin... d'où le metteur en scène surgit, puis le Directeur de l'Opéra. Les applaudissements redoublent, quelques sifflets provocateurs, des cris et des mercis.

Lui, il reste assis, immobile et silencieux. Les larmes aux yeux. Les minutes passent, longues et bruyantes, avant que le public ne quitte enfin les gradins et ne se dirige vers la sortie. Il est parmi les derniers à sortir, ombre qui se veut discrète et se faufile entre les groupes de critiques amateurs qui épiloguent sur ce à quoi ils viennent d'assister. Si on l'interpellait, il serait, lui, bien en peine d'exprimer correctement ce qu'il a ressenti. Les mots ne suffisent pas à son trouble. C'est pourquoi il se fait encore plus petit, et s'éloigne encore davantage de la foule qui se presse dans les beaux couloirs du bâtiment. A la recherche d'un endroit calme, un refuge où il pourra attendre en paix. Il n'a pas l'intention de s'éloigner rapidement. Pas cette fois, pas comme les autres où il se hâte de rejoindre la fraîcheur extérieure, puis les hauteurs de son phare. Cette fois, il a pris son courage à deux mains. Il a décidé de ne plus se taire. Et s'il est affreusement maladroit, s'il sait que les mots ne sont pas son fort, il est pourtant bien décidé, ce soir, à remercier celui à l'origine de son émotion.

Dans l'ombre d'un escalier, il attend donc, le cœur battant qui rythme le discours décousu qu'il tente d'assembler dans son esprit. Les minutes, puis l'heure passe. Enfin, toutes et tous se sont éloignés. Le nez en l'air, les yeux attentifs, il attend sur le qui-vive. Ostara est venue se percher sur la rambarde de marbre, guet ailé dont les plumes frémissent. Puis, les marches de pierre accueillent un pas calme et mesuré. Aslem se redresse. Inspire longuement, serre et desserre les poings. Et surgit de l'ombre, face à celui qui descend toujours les escaliers.

- B... bonsoir.

Il se rend compte qu'il n'a pas retiré le vieux keffieh qui dissimule en partie ses traits. Gêné, il tire le tissu qui fini tordu entre ses mains nerveuses. Il se sent encore plus bête et ridicule maintenant. L'Exil n'a pas spécialement l'habitude d'aller à la rencontre d'autrui, surtout ces vingt dernières années. Sa timidité et sa maladresse en sont redoublées, quand bien même il traîne ses trois demi-siècles d'existence derrière son visage de jeune premier. Il tente pourtant d'aligner l'hommage qu'il a dit et répété dans le secret de ses pensées.

- Hum. Désolé de vous alpaguer ainsi. Je... je voulais juste vous parler. Enfin...  

Les mots se bousculent derrière ses lèvres, alors il se rattrape aux branches de la banalité.

- Le spectacle était très beau.

Affreuse banalité. Furieux contre lui-même, sa dextre passe dans ses cheveux bruns, reproche qu'il s'adresse à lui-même, l'une de ses bagues s'accroche, emportant une mèche.

- Rah. Pardon, je veux dire... ce n'est pas juste pour ce spectacle que je voulais vous parler. Même si... enfin, c'est sans doute l'un de mes préférés jusqu'à présent, mais...

Il finit par redresser son nez rougissant vers la personne qui a le malheur de subir son discours décousu.

- Je voulais juste vous remercier. Pour tout ce que vous faites ici, depuis toutes ces années. Donc, merci.

Il retient un geste malassuré de son ongle contre sa barbe de trois jours, surmontant ou tentant de surmonter son malaise, il avance d'un ou deux pas et tend la main vers son interlocuteur.

- Pardon, je ne me suis pas présenté. Aslem Al-Rakis. Je suis le gardien du phare.
Aslem Al-Rakis
Aslem Al-Rakis
pseudo : ju-siloni-lowe
élu.e de neptune
(#) Lun 31 Oct - 1:54
fascination(s)
Les éloges gagnent les lippes. Les murmures entament une danse à travers la foule. Les applaudissements résonnent à travers les murs ourlés de talent. Il les entend, derrière les rideaux, les exclamations du public. Verbes enjoués dont il craint toujours qu’ils n’arrivent jamais. Propositions singulières qu’il met en scène. Tragédies, parades noires. Des créations, des emprunts toujours étonnants. Le refus de la banalité, le dégoût de l’ordinaire. Il est à l’inverse de son prédécesseur qui se refusait au moindre risque, offrait ce qu’on attendait. Hannes apprécie de les heurter, de créer le dialogue, parfois la fureur des critiques. Amusement pétille dans rétines quand il entend le public. Ce soir dénote avec les codes, renoue avec le passé. Un classique mais bafouant les règles du mariage de Chios. L’adultère hissé en passion.
C’est la première qui s’achève.
Nouveau cycle, nouvelle saison.

Chanteurs, musiciens se font alpaguer par la foule. Hannes accepte de répondre aux questions, de se prêter au jeu de l’hypocrisie. Médiatisation nécessaire. Spectacle de soi. Cauchemar avale la lumière. Personne ne l'attend alors il dévore le temps suspendu.

Lentement, il prend congé, s’écarte pour laisser parler les artistes. Mazerru voltige à quelques centimètres de son épaule. Minuscule créature toujours proche de lui, souvent faufilée dans la poche de sa veste. Compagnon docile s’affole quand une silhouette apparaît en bas des marches. “Bonsoir.” Écho de la politesse versée par le brun. Faciès dévoilé d’une ombre aperçue quelques secondes plus tôt. Tendre sourire se faufile aux lippes. Compliments toujours agréables quand ils s’écoulent avec timidité et ravissement. “C'est tout le corps artistique que vous devriez remercier. Ce sont eux qui possèdent le talent d'émerveiller.” Chanteurs aux accords fabuleux. Chorégraphe imaginant rondes infernales. Musiciens dégorgeant notes d’instruments centenaires. Talent qu’il leur jalouse, parfois. Artistes dont il s’entoure. Adorateur. Voleur. À dévorer tout ce qu’ils ont à lui offrir. “Enchanté Aslem.” Les billes nacrées ricochent sur le visage de l’homme. Le prénom prononcé avec lenteur, comme pour en apprécier la possession. Sa paume se tend, serre celle qui lui est présentée. “Hannes” Il épargne le nom, comme pour obliger l’autre à n’employer que le prénom. “Vous êtes loin de votre solitude ordinaire, mais vous la trompez de la plus belle des manières.” Gardien du phare. Solitude déjouée pour s’engouffrer au cœur des passions qu’on orchestre sur scène.

Hannes ne peut s’empêcher de l’observer, d’ausculter le visage qu’il croyait disparu depuis des années. Talent fabuleux. Artiste suivi sans jamais démontrer son affection. L’ironie l’amuse soudainement ; admiration commune. Il voudrait le remercier d’avoir osé, d’être venu lui parler. Rien ne déborde, pas la moindre révélation. “Si vous avez un peu de temps à m’accorder, je souhaite entendre votre enthousiasme à propos des autres opéras.” Une invitation à le rejoindre. Le refus des autres qui l’attendent. “En échange, je vous fais visiter les mécaniques de la création.” Dédale de l’opéra qu’il est prêt à lui montrer. Quidam qu’il refuse de relâcher à sa solitude. Volonté de se l’accaparer.
Hannes Füssli
Hannes Füssli
pseudo : ravages
élu.e de la lune
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