Vault of Lights
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call it a day ; aslem
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(#) Lun 7 Nov - 17:00
call it a day
En contrebas des murs séculaires du port, il y a une étroite bande de pierre et de sable qui résiste encore et toujours à l’assaut des vagues. Le corridor est presque aveugle. Hors du mur gris, rugueux de frottements et de coquillages, c’est seulement la mer à perte de vue ; les yeux s’épuisent à y trouver les continents lointains. Assis sur ses talons, Diego fume sa gueule de bois. Ses poumons se gorgent de fumée et de l’air marin, relents de varech et de la ville qui vit de l’autre côté du pont. L’épuisement secoue ses os, creusés nuit après nuit par l’alcool et l’amour, usé par la vie, par la mort, par la vie à nouveau. Son nez a saigné ce matin, robinet ouvert sur ce corps presque immortel. Dans les taches laissées sur les mouchoirs en tissus, il a cru lire un souvenir de lumières, de cris et de vibrations, de bonheur débridé et d’un grand manteau rouge. C’est quand sa mémoire d’avant se réveille qu’il sait qu’il est temps de se retirer du monde.

Il écrase sa cigarette dans le sable, l’enferme dans une petite boîte métallique. Elle tinte dans sa poche quand il se redresse, fait une cacophonie bizarre avec le grincement de ses bottes. Il faut escalader un peu pour quitter la bande de pierre et de sable, doigts sensibles malgré les callosités de sa guitare. Son vieux blouson claque dans le vent ; il se tient droit sur la jetée. Des vagabonds errent sur le port, des amoureux vont deux par deux. Une seconde il envisage de retrouver le gros de la ville, de se gorgée du désir et de la passion des autres. Mais la seule idée serre son estomac dans ce qui ressemble à une nausée ; c’est la sensation inextricable de la surdose. Il choisit le calme et le silence. Ses phalanges s’entrechoquent, puis cognent délicatement sur le bois de la porte du phare. Une fois, deux fois, avant qu’il ne se ravise et ne fasse tout simplement tinter la cloche prévue pour. Parfois, le calme et le silence sont simplement les bons visages pour ; des refuges. Personne ne viendra le chercher ici.

Son blouson sent le martini et le tabac froid. Il le retire sans même vraiment y penser. Une seconde s’écoule, puis une autre, puis soudain c’est une minute entière. Ou moins, ou plus long – dans les derniers relents de l’alcool (et de la drogue ; il ne se l’avoue quasi-jamais à lui-même, presque par pudeur malgré son nouveau corps, indestructible ou presque), il perd souvent un peu de sa notion du temps. Et puis le grincement des gonds de la porte vient briser la chanson qui résonne entre ses deux oreilles. Un visage familier l’observe par l’embrasure ; il esquisse le fantôme d’un sourire. « Un refuge pour un vagabond », dit-il, il fait tonner sa voix par humour, imite des accents d’un autre temps. Mais ses yeux sont creusés par l’épuisement, deux valises noires comme celles qu’il traînait après lui dans une autre vie.
Diego Lloreda
Diego Lloreda
pseudo : tanagra
élu.e de vénus
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